Ecole de la Sécurité Routière des Motocyclistes de Fontainebleau
Passer une grande partie de ses journées à moto et être payé pour : le rêve, non ? Pour cela, il y a plusieurs solutions : premièrement, devenir pilote de MotoGP, mais il faut reconnaître objectivement qu’il y a peu d’élus. Deuxièmement : coursier. C’est sympa, ça, coursier. Il suffit de se dégoter une brave Honda NTV avec à peine 200 000 bornes au compteur et hop, à vous les joies du périphérique ! Troisièmement : journaliste moto, mais vous risqueriez de décevoir votre entourage par l’envers du décor de ce pourtant sympathique métier de saltimbanque. Alors que si vous paradez fièrement sur une rutilante machine de la Gendarmerie Nationale, là, votre prestige va reprendre du galon.
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À l’occasion d’une journée de rencontre au Centre de Formation à la Sécurité Routière (CNFSR) de Fontainebleau (77), le Repaire a donc fait le point sur les conditions pour devenir Gendarme Motocycliste. Quand, comment, combien, pourquoi, on vous explique tout…
11 semaines de formation, 480 heures, 3500 kilomètres
Commençons déjà par une bonne nouvelle : pour devenir Gendarme Motocycliste, il faut déjà être gendarme. Eh oui… Par contre, il n’est pas nécessaire de disposer du permis A. Et pour être gendarme, il faut donc préparer un concours, le réussir et aller passer un an dans l’une des 5 écoles de gendarmerie en France. Et ensuite, on monte direct sur la moto ? Hola, tout doux, petit poney ! Être gendarme motocycliste, ça se mérite.
A l’issue de l’année d’école, donc et si dans votre sang coule du potentiel de gendarme méritant, vous serez affecté à une brigade mobile ou a une brigade départementale. Sachez que la gestion des Ressources Humaines d’un gendarme est régionalisée pour les sous-officiers et nationale pour les officiers. Nuance importante, car si vous êtes sous-off’, la gestion de votre carrière va donc se faire à l’échelle d’une région. Et pour devenir gendarme motocycliste, il faut que celle-ci connaisse des besoins de renouvellement ou d’extension d’effectifs. Il semblerait que les régions du Nord de la France soient plus demandeuses que celles du Sud… Curieux, non ?
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Bref. Quand les places s’ouvrent, il faut alors être candidat. Ce qui est possible, à condition d’avoir au maximum 35 ans au 31 décembre de l’année de formation (quelques petites dérogations bien argumentées restent envisageables) et de mesurer au moins 170 cm, même pour les filles. Tous les candidats à la formation subissent une semaine de pré-stage, intense en termes de pratique de la moto et le CNFSR a déjà vu des candidats totalement novices s’en sortir haut la main et mieux que des candidats ayant déjà fait de la moto. Cela n’a rien d’étonnant car il est parfois plus facile d’apprendre à partir de zéro que de devoir corriger de mauvaises habitudes.
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À l’issue de cette semaine de pré-stage et en cas d’admissibilité, vous êtes alors éligible à la formation qui devra se tenir dans les deux ans qui suivent. Celle-ci dure 11 semaines et elle est du genre sérieux. « Nous n’avons pas de problèmes de sommeil parmi nos stagiaires », plaisante le Chef d’escadron Brossard. « La formation est physique et lorsque certains nous quittent au bout de 11 semaines, ils sont assez fatigués. C’est ce qui nous permet de garantir un niveau de formation très rigoureux ». En 2016, deux sessions de formation avec environ 80 candidats auront lieu.
11 semaines, donc, 480 heures de formation réparties pour moitié en cours et en pratique de la moto, sur route comme sur tous les terrains, du plateau au circuit de vitesse (de La Ferté Gaucher) en passant par le fameux Polygone qui fait la fierté du CNFSR.
Durant ces 11 semaines, l’aspirant gendarme motocycliste va parcourir environ 3500 kilomètres. Les casques sont équipés de liaison bluetooth® afin qu’une communication puisse avoir lieu entre élève et instructeur.
Dire que les motos ont fait leur apparition au sein de la Gendarmerie en 1930, mais c’est en 1952 qu’une formation fut proposée aux gendarmes. À l’époque, elle durait une semaine et se déroulait à Maisons-Alfort. C’est en 1963 qu’un Centre National de Formation aux Personnels Motocyclistes vit formellement le jour, dans la riante cité des Mureaux (78), avant de s’installer à Fontainebleau (77) quatre ans plus tard. L’école de Fontainebleau a été rebaptisé CNFSR en 2004, ce qui fait sens si l’on se souvient que le gouvernement Chirac avait déclaré la Sécurité Routière Grande Cause Nationale en 2002.
Et une fois le brevet remis, hop, on monte direct sur une FJR ? Toujours pas, car il faut d’abord être muté dans une brigade motorisée et cette mutation dépend, là encore, de la bonne volonté des RH régionales. Cela peut durer de quelques jours à quelques semaines.
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La technicité avant tout
Cours théoriques, sport, mais aussi et surtout pratique de la moto : le gendarme motocycliste suit une formation complète. Parmi toutes les compétences qui lui sont demandées, la maîtrise technique de la moto est primordiale. Les instructeurs du CNFSR ont d’ailleurs un terme spécifique : le rapport à la moto, c’est celui de la « technicité ». « Dans toutes les missions qu’il a à remplir, le gendarme motocycliste doit considérer sa moto comme un simple outil de travail », précise le Lieutenant-Colonel Jean-Pierre Reynaud, commandant du CNFSR. « Il doit faire abstraction de son véhicule. Lorsqu’il est en mission de recherche de personnes en terrain difficile, la conduite de la moto doit être instinctive et toutes ses ressources doivent être mobilisées pour sa mission de recherche. Car le gendarme motocycliste reste un gendarme avant tout’.
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C’est pour cela que le Polygone représente une telle importance dans les formations. Certes, la pratique de la route est elle aussi considérable et les gendarmes y développent un sens assez particulier de la trajectoire, celle qui leur donne la meilleure visibilité et les meilleures conditions de sécurité ; certes, ils passent un tout petit peu de temps sur circuit, mais pas trop, afin de ne pas les inciter à rouler à des vitesses excessives.
Dans tous les cas, une grande partie des compétences s’acquiert sur le Polygone, ses 6 kilomètres de pistes répartis sur 80 hectares, ses montées escarpées, ses étendues sablonneuses et surtout, son vaste éventail de perversités ! Virages serrés, fosses, « mur de la mort », dévers, obstacles : tout ce qui peut vous faire cauchemarder est présent dans ce Polygone, dans un seul but : vous faire gagner de la technicité.
Tout comme au ski, les différentes pistes possèdent des codes de couleur. Le CNFSR nous a fait rouler sur la verte, la marron et nous a baladé sur le domaine, en passant par la mer de sable, au guidon de Yamaha WR 250 R. Ceci afin de mieux percevoir les conditions de la formation des futurs gendarmes motocyclistes.
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Si tu gères pas ton JPR, t’es un homme mort !
Le Gendarme aime les acronymes à peu près autant que le carnet à souches. Autant dire que quand il nous parle de JPR, on pense d’abord à Journée Professionnelle de Repos (le journaliste moto étant par essence un glandeur, sinon il aurait choisi un vrai métier !). Eh bien pas du tout. Le JPR, c’est ce qui te permet de ne pas ADLD avec PEFEHSTFPTGEDB (aller dans le décor / avec / pertes et fracas et honte sur ta famille pendant trois générations, espèce de baltringue).
Dans le Polygone, il n’est pas question de vitesse, mais de maîtrise. La plupart des pistes se parcourent en secondes (sur les 250, en première sur la 600), sur le régime de ralenti, avec interdiction de toucher à l’embrayage et aux freins. Le coup de gaz sert juste à parcourir quelques mètres entre deux difficultés, ou pour s’aider à reprendre l’équilibre.
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Dans ce cas de figure, les lois de l’équilibre ne souffrent d’aucune exception : il faut faire corps avec la moto. Qu’elle devienne le prolongement de votre volonté. Pieds bien rentrés vers l’intérieur, jambes serrées sur le réservoir, haut du corps souple et mobile, voilà la clé. Sans oublier le regard : sans lui, c’est le hors piste assuré. Ici, tout se joue au millimètre et la maîtrise de la précision vient, non pas des rasoirs Wilkinson, mais du JPR. JPR : jeu à la poignée rattrapée. En gros, il s’agit de combattre la course morte du câble d’accélérateur en positionnant sa main sur la poignée pour que chaque micro-rotation soit efficiente.
À ceux qui accélèrent comme des bûcherons et qui pensent que la précision nanométrique du JPR, c’est du pipeau : vous ne serez jamais gendarme motocycliste. Car toutes les épreuves présentes sur ce Polygone sont le reflet de conditions réelles : les enchaînements mettent à l’épreuve vos compétences en maniabilité ; les slaloms autour des piles de pneus, vos capacités à enchaîner les demi-tours en cas de poursuites ou d’interception ; les fosses simulent le passage entre des files de voiture, les obstacles et autres difficultés font en sorte qu’en cas d’imprévu, le gendarme motocycliste ne sera jamais pris au dépourvu. Une bonne maîtrise du JPR vous permettra de rouler sur un tortillard, avec des virages en dévers, le haut du corps tourné vers l’arrière à 60° pour anticiper les difficultés suivantes, avec juste ce qu’il faut de gaz pour conserver l’équilibre.
Et au vu du menu complet présent sur le Polygone, pas de doute : un gendarme motocycliste a une sacré maîtrise de son engin !
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Gendarme motocycliste, sa vie, son oeuvre
Une fois qualifié, la vie du gendarme motocycliste peut recouvrir un grand nombre de réalités. Tout dépend de la brigade d’affectation et avant cela, les 17 meilleurs élèves défileront sur les Champs-Elysées lors de la cérémonie du 14 juillet, un honneur que savourent les motards du CNFSR depuis 2012. 2012, année où les motards sont passés de l’âge de pierre à la modernité, ou plutôt de la chemisette à l’airbag, en se dotant (enfin !) d’une tenue en phase avec la réalité de leur mission.
Les gendarmes des brigades motorisés fonctionnent en binôme. Pas de chance donc si l’on vous colle avec un « piéton » (un non-motard dans le langage du CNFSR) : à vous les joies de patrouilles en Renault Mégane ou en Ford Focus Diesel ! Vous roulerez plus si vous êtes dans une brigade dédiée à la moto. Combien ? En moyenne, un gendarme motocycliste parcourt 12.000 kilomètres par an sur une moyenne cylindrée (moins de 1000), 17.000 sur une grosse (BMW R 1200 et Yamaha FJR 1300).
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Un gendarme motocycliste est un gendarme comme un autre : son salaire est identique (il commence aux environs de 1800 euros net, logement de fonction compris) et le motocycliste ne reçoit pas de primes de risque ou d’activité. D’après les instructeurs, environ 70 % des gendarmes motocyclistes sont également motards dans le privé et la plupart ont également été convertis à l’airbag dans le civil, après en avoir compris les vertus dans leur usage professionnel.
Les compétences sont remises en cause tous les 6 ans : chaque gendarme motocycliste revient alors à Fontainebleau pour 2 jours et demi d’évaluation, qui comprennent un parcours de 450 kilomètres évalué par trois instructeurs différents. Sur 700 passés l’an dernier, seuls 5 ont échoués et ont dû abandonner leur moto pour se consacrer à d’autres tâches. Un gendarme motocycliste part normalement en retraite à 59 ans.
Tout au long de leur carrière, la sécurité reste la première des préoccupations. C’est dans cette optique que sont organisées chaque année les JNMM (Journées Nationales de la Moto et des Motards) au CNFSR, afin de partager avec le grand public la passion de la moto autour de ce thème. La troisième édition aura lieu les 25 et 26 juin 2016.
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Plus d’infos sur le CNFSR
- 109 motos pour le plateau et la route : 48 Yamaha XJ6 N et 61 Yamaha FZ 600
- 127 motos pour la route : 22 BMW R 1100 RT, 10 Yamaha TDM 900, 48 Yamaha FJR 1300, 40 Yamaha MT-09 Tracer Euro 4 115 chevaux.
- 144 motos pour le Polygone : 24 Yamaha 250 TTR, 43 Yamaha 600 TTRE, 77 Yamaha 250 WRR
- L’ensemble des motos du CNFSR a couvert 1 300 000 kilomètres en 2015.
- 100 stages organisés par an, avec plus de 1300 stagiaires, soit de forces de l’ordre étrangères (Qatar, Liban, Guinée, Allemagne, Suisse, Monaco…), soit d’organismes qui veulent sécuriser leurs employés (les motards de France Télévision, ceux de ASO – Amaury Sport Organisation – qui suivent le Tour de France).
- Sur 1300 stagiaires, une quinzaine d’incidents sont recensés chaque année.
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